En janvier dernier, Michaël Pereira a pris ses fonctions en tant que Maître de Conférences et Responsable du site Aérodynamique succédant à Fawaz Massouh, professeur émérite, au sein du Laboratoire de Dynamique des Fluides (Dynfluid – Campus Arts et Métiers de Paris). La mission de ce jeune Physicien : moderniser la soufflerie, notamment en développant des grands axes de recherche et d’enseignement pour (re)dynamiser l’activité et la promouvoir. Construite en 1952, la soufflerie aérodynamique est de type Prandtl : il s’agit en effet de la seule à circuit fermé de cette envergure dans Paris intramuros.
Les perspectives avec son nouveau Responsable Michaël Pereira, en 3 questions.
Vous souhaitez apporter une nouvelle dynamique à la soufflerie. Quels sont vos ambitions et axes de développement à court et moyen termes ?
La toute première étape est la rénovation de nos locaux pour créer un espace de travail plus moderne, reflétant davantage les activités d’innovation que nous menons. En parallèle, afin de pouvoir définir précisément notre stratégie, j’étudie ce qui se fait à l’échelle nationale et internationale en termes d’outils de recherche et d’enseignement. Il est essentiel de connaître l’écosystème académique et industriel au sein duquel nous évoluons afin de pouvoir surpasser ce qui se fait ailleurs !
Redynamiser notre activité ne veut pas dire faire table rase du passé et repartir de zéro. Nous allons bien entendu conserver et renforcer la recherche dans les domaines de la transition énergétique et des transports, des activités pour lesquelles la soufflerie est connue et reconnue, tout en nous ouvrant à d’autres secteurs. Pour cela, je veux m’orienter davantage vers les nouvelles technologies, comme les drones pour le marché civil ou celui de la défense militaire, mais également développer en parallèle nos moyens de métrologie pour bénéficier des dernières techniques scientifiques et technologiques de mesure de pointe.
Bien que nous bénéficions d’une solide réputation, un de nos axes d’amélioration va néanmoins consister à plus communiquer sur notre activité de recherche, à la fois pour l’enseignement et au service de l’industrie. Je veux mettre la science à la portée du plus grand nombre en nous affichant davantage, par exemple, sur le web et les réseaux sociaux.
D’ici cinq ans, je fais le pari que la soufflerie devienne leader académique dans l’aérodynamique. Dans tous les cas, nous nous donnons tous les moyens pour qu’elle le devienne !
En quoi les activités de la soufflerie s’intègrent-elles dans le monde socio-économique actuel ?
La recherche fondamentale et appliquée que nous menons ici est en totale adéquation avec les défis rencontrés par l’industrie. La complémentarité de nos compétences (numériques, théoriques ou expérimentales) est enrichissante et nous permet surtout de couvrir et d’intervenir sur toute la chaîne de recherche et d’innovation.
Nos travaux de recherche portent sur de nombreuses thématiques : de l’activité du bâtiment (tour Montparnasse, tour Pleyel…), au secteur du transport, notamment dans l’automobile avec les industriels français (Peugeot-Citroën, Renault…) ou dans l’aviation (Dassault, Safran…), en passant bien sûr par les questions d’environnement et de transition énergétique (les éoliennes, les capteurs solaires…). Nous avons même fait des études sur le dirigeable de Nicolas Hulot. La transition énergétique et l’environnement de manière générale sont des thèmes qui sont au cœur des préoccupations actuelles.
Dynfluid collabore depuis plusieurs années avec l’équipementier automobile français VALEO et a récemment crée avec lui pour créer le laboratoire commun ISYTHERM. Il a pour objectif de mettre en place des outils numériques et expérimentaux permettant le développement de composants et systèmes thermiques innovants dédiés à la gestion thermique du véhicule électrique du futur.
Actuellement, je travaille sur des profils d’ailes d’avion à bords épais, où aux abords du décrochage aérodynamique, l’écoulement turbulent présente des régimes intermittents, signe d’une dynamique complexe bistable. Les résultats de ces travaux seront présentés prochainement au congrès français de mécanique (CFM 2019) à Brest.
Le mot de la fin ?
Conserver le patrimoine historique de cette soufflerie est essentiel. Créer une collection avec les maquettes d’éoliennes, d’avions ou encore de voitures que nous avons utilisées est une idée qui me trotte dans la tête depuis mon arrivée. Le futur de la soufflerie ne peut être dissocié de son passé. Nous sommes fiers de ce que nous avons fait jusqu’à présent et nous allons maintenant aller encore plus loin.
D’ailleurs en 2022, la soufflerie aérodynamique fêtera ses 70 ans. A cette occasion, il sera bon de faire un premier bilan du plan de rénovation. Je souhaite inviter la direction, les enseignants, les chercheurs, les étudiants, les industriels et des personnalités politiques afin de célébrer l’histoire du site et de présenter également le nouvel horizon qui s’offre à nous en matière de recherche et d’innovation. Je compte sur vous pour venir nombreux !
Nous avons une maquette de la Citroën DS originale, commercialisée entre 1955 et 1975. Un morceau d’histoire! Il s’agit du témoignage de l’esprit pionnier de la soufflerie dans le domaine des transports. Je suis sensible à cette histoire et je souhaite plus que tout que nous nous inscrivions dans la continuité de cette démarche d’innovation et de progrès dans l’avenir. Comme vous le savez, Paris accueillera les jeux olympiques en 2024. La physique du sport est un domaine actif en recherche. Là où bien souvent l’objectif du sportif est d’aller vite, quoi de mieux qu’une soufflerie pour tester et optimiser les performances aérodynamiques de ce dernier ? En matière de sciences et technologie, je pense vraiment que nous avons un rôle à jouer.
L’équipe de la soufflerie se compose d’une dizaine de personnes qui contribuent à la réussite du laboratoire. Le Professeur Farid Bakir, Directeur de Dynfluid, a réussi à impulser une véritable dynamique : son implication, sa confiance et l’autonomie qu’il laisse à ses collaborateurs sont une motivation pour aller toujours plus loin !
Un profil atypique
A 27 ans, Michaël Pereira est un des plus jeunes Maître de Conférences en France. Après deux années de classes préparatoires au lycée Carnot à Dijon, où d’illustres scientifiques sont passés avant lui, comme le non moins célèbre ingénieur français Gustave Eiffel. Il poursuit ses études à la fois en milieu universitaire, où il décroche un magistère de Physique Fondamentale, mais également en passant par les « grandes écoles », puisqu’il intègre l’ENSAM en 2013. Cet ingénieur du corps des Arts & Métiers obtient ensuite un master recherche en mécanique des fluides où il sort major de promotion. Il poursuit alors ses études à l’Ecole Normale Supérieure d’Ulm où il réalise sa thèse de doctorat en physique, qu’il soutient en 2018 sous la direction du Pr. Stephan Fauve, membre de l’Académie française. Plus surprenant encore, il intègre très jeune le corps d’armée de la Gendarmerie Nationale pour financer ses études. Plusieurs fois décoré, encore aujourd’hui il fait partie de la réserve opérationnelle !La mission qui m’a été confiée représente un défi que je voulais relever ! Travailler dans un environnement stimulant, enrichissant et interdisciplinaire est un atout ! J’aime découvrir : le double aspect recherche et enseignement me permet de satisfaire ma curiosité.